Points de vue

Les musulmans sans enfant : discutons-en !

Rédigé par Fatima Adamou | Lundi 11 Septembre 2023 à 11:25



Du 11 au 17 septembre 2023 se déroule la Semaine mondiale des personnes sans enfant par circonstances de la vie, créée en 2017 et organisée par la Britannique Stéphanie Joy Philips. Cette semaine constitue une bonne occasion de discuter de la théologie agressive de la procréation. Une théologie nataliste qui touche les hommes, mais qui vise particulièrement les femmes.

Cette théologie assigne la femme musulmane à un seul rôle, celui de mère. De plus, ce rôle déterminerait son degré de foi. Par conséquent, la foi des femmes musulmanes se trouve rattachée à leur utérus ; un utérus qui se doit de bien fonctionner auquel cas elles se retrouvent au ban des communautés musulmanes.

Au même titre que les femmes non musulmanes dans le monde, les musulmanes sont régulièrement les seules pointées du doigt lorsqu’elles sont sans enfant, les seules à qui l’on impute l’absence d’enfant dans un couple.

Cette théologie nataliste répandue n’est pas sans conséquences sur la santé mentale et spirituelle des musulmans et des musulmanes sans enfant puisque le statut de parent devient « un sixième pilier » de l’islam, un pilier sans condition comme celui qui entoure le pèlerinage.

Des discours qui génèrent beaucoup de souffrances

L’édition 2022 de la Semaine mondiale des personnes sans enfant par circonstances de la vie traitait, entre autres, de la foi. Le constat est sans appel : de nombreuses personnes, des femmes en particulier, renoncent à leur religion ou perdent simplement la foi. Il serait utopique de penser que seuls les non-musulmans sans enfant sont concernés par cet abandon de religion et cette perte de foi.

Ces abandons de religion et ces pertes de foi sont logiques étant donné que des croyants, toutes religions confondues, produisent des exégèses construites autour de l’obligation de procréer. Aucune place n’est faite aux personnes croyantes sans enfant. Pire, aucune place ne semble exister aux yeux de Dieu et cela engendre beaucoup de souffrances.

C’est le moment de s’interroger sur le bien-fondé de ces commentaires pro-natalistes du Coran dans une planète qui compte aujourd’hui plus de 8 milliards d’êtres humain parmi lesquels de nombreuses femmes et de nombreux hommes sont dans l’incapacité de concevoir des enfants.

Des raisons d’être sans enfant multiples et complexes

À ce stade, on me parlerait de l’adoption. Oui bien sûr, l’adoption ! Seulement, tout le monde ne peut y avoir recours, tout le monde ne souhaite pas y recourir et tout le monde ne devrait pas y recourir. Le sujet de l’adoption en islam représente l’un des multiples thèmes liés aux personnes sans enfant qui devraient être abordés au sein des communautés musulmanes.

Je pourrais citer le thème de la foi d’un couple après un parcours de PMA (procréation médicalement assistée) soldé par un échec, le devenir du couple sur les plans émotionnel et spirituel après un deuil périnatal, le choix, le désir de concevoir ou pas des enfants.

Je pourrais aussi mentionner le regret maternel exprimé peu à peu depuis ces dernières années : des femmes vivent mal leur maternité ou se sont senties contraintes de devenir mères dans des sociétés où le seul statut respectable d’une femme est mère. Le regret maternel - qui ne signifie pas l’absence d’amour pour son enfant - ne se cantonne pas uniquement à la sphère non musulmane : des femmes musulmanes regrettent leur maternité, mais ne peuvent se résoudre à en parler ouvertement.

On pourrait également évoquer des célibataires sans enfant qui voient avec peine leur chance d’être parent disparaitre pour diverses explications, des explications bien éloignées de l’attente d’une princesse ou d’un prince charmant.

Les sujets et questions qui découlent du statut de personne sans enfant sont multiples et complexes tout comme les raisons d’être sans enfant.

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Fatima Adamou, auteure de « Noire et musulmane. Grandir dans la minorité », a été chercheuse bénévole à l’association Christian Muslim Forum.

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